Les grandes fêtes du Nil

Jeudi 10 Septembre 2020-00:00:00
' Père Gérard Viaud

Sans le Nil, l’Egypte n’existerait pas et c’est pour cela que les anciens Egyptiens ont toujours tenu à célébrer leur fleuve et ces célébrations existent toujours. Les fêtes du Nil de l’Egypte ancienne sont toujours célébrées en Egypte et elles ont leur résonance surtout à travers la liturgie copte. Le 5 du mois d’abib (12 juillet), de l’eau est bénie dans un bassin en souvenir du début de la crue du Nil. Cette bénédiction correspond à la fête des Apôtres. 

Au cours des prières de la bénédiction de l’eau, le prêtre prie pour faire monter les eaux du fleuve afin d’accorder la prospérité à l’Egypte. 

Le 17 du mois de Tout (27 septembre), c’est la fête de la Croix qui correspond au plus haut niveau du fleuve que les paysans égyptiens appellent « le niveau de la Croix ». Ce jour-là, le prêtre bénit de l’eau dans un bassin. 

Les Egyptiens anciens célébraient avec faste cette fête au cours de laquelle des offrandes étaient jetées dans le Nil. A l’époque de Ramsès II, cette fête du Nil commençait le 15 Tout et se poursuivait pendant 15 jours. Le calendrier de Dendera appelle cette période « la fête de l’ivresse » qui commémorait le souvenir du genre humain sauvé de l’extermination. Le dieu Ra, en effet, après avoir lancé la déesse Sekhmet contre ses blasphémateurs n’a pas réussi à mettre un terme à la rage destructrice de la vengeresse qui risquait ainsi d’annihiler toute l’humanité. A la faveur de la nuit, le dieu Ra répandit un breuvage couleur et odeur de sang là où la déesse dormait. A son réveil, celle-ci but énormément de ce breuvage et s’enivra à tel point qu’elle oublia de poursuivre son carnage. Depuis lors, toute l’Egypte se réjouissait en buvant de ce liquide sauveur. Cette période de la crue du Nil, dont les eaux chargées de limon devenaient rouges, était ainsi liée à l’idée de vie et de salut. Les Coptes ne firent que continuer cette symbolique en la christianisant avec la fête de la Croix du 17 Tout. 

Dans l’Egypte ancienne, des processions étaient organisées avec les statues des dieux jusque sur les rives du Nil et les réjouissances commençaient ensuite. Avec les Coptes, cette célébration de la fête de la Croix prenait une ampleur nationale. Des processions se rendaient sur les bords du Nil où le patriarche, ou un prêtre, jetait une croix dans le fleuve que des plongeurs allaient repêcher. Maintenant, une procession se déroule à l’intérieur des églises ou des monastères avec différentes stations devant les portes et les icônes. C’est une croix fleurie qui remplace la statue des dieux anciens. 

La nuit du 11 Touba (19 janvier) une troisième fête du Nil était célébrée et elle coïncide aujourd’hui avec la fête de l’Epiphanie qui commémore le baptême du Christ dans la Jourdain par Jean Baptiste. 

Jadis, la nuit de cette fête, le fleuve était illuminé et le peuple plongeait dans les eaux bienfaisantes du Nil pour se préserver de toutes sortes de maladies. La bénédiction de l’eau la nuit de l’Epiphanie est encore une christianisation de cette fête de l’Egypte ancienne.  

Cette nuit-là, le prêtre bénit de l‘eau dans un bassin qui symbolise le Nil (ou le Jourdain). En bénissant les eaux le prêtre dit : « Donne à ceux qui utiliseront cette eau de toute manière, en la touchant, en la buvant, en se lavant avec elle, qu’elle soit pureté, bénédiction, sainteté et salut ». Jadis, les fidèles plongeaient sans le « mightas », grand bassin situé au fond de l’église. De nos jours, les jeunes gens prennent de l’eau qui a été bénite dans un bassin, vont la jeter dans le Nil ou un canal et plongent ensuite dans les eaux. 

Cette eau de l’Epiphanie, appelée « eau de touba », est utilisée pour guérir certaines maladies et dans les oeuvres mystiques. 

En cette nuit de l’Epiphanie, les enfants fabriquent des fanous (petites lanternes) avec des mandarines et des oranges dont l’intérieur a été enlevé et il y placent une petite bougie. Cette nuit-là, tout le monde mange encore de la canne à sucre et le repas qui suit la liturgie nocturne est composé de colocases. Il est dit que les Coptes lavent ensuite leurs marmites sous le ciel, car il doit pleuvoir en cette nuit afin que l’année soit bonne.